La décision du Tribunal de première instance de Bruxelles est tombée ce 17 février : l’État belge est condamné dans l’affaire Mawda. Deux fautes structurelles graves sont pointées : la Belgique aurait du prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre de l’opération de police, et les policier·e·s devraient être formé·e·s aux droits de l’enfant lors d’opérations d’interception d’enfants migrant·e·s.
Le Tribunal considère que l’État belge aurait dû prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’organisation de l’opération MEDUSA, destinée à lutter contre la migration irrégulière et le trafic d’êtres humains… Cet intérêt supérieur n’a pourtant pas été considéré de manière primordiale, alors qu’il est consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) – ratifiée par la Belgique il y a plus de trente ans – et précisé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.
Le Tribunal souligne que « rien ne permet de constater qu’à ce jour l’État belge a pris ses dispositions, quelles qu’elles soient, visant à assurer une meilleure formation des services de police en matière d’interception de mineurs migrants, dans le respect des droits fondamentaux de l’enfant. » Il condamne donc la Belgique à intégrer au cursus des services de police, tant dans la formation initiale que continue, une formation sur les conditions de l’usage de la force et sur la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en présence de migrant·e·s mineur·e·s d’âge.
Le Tribunal condamne l’État belge sur ces deux points, en estimant que « concevoir des opérations de contrôle dans lesquelles l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en compte alors que les services de police ne sont pas véritablement formés en matière d’interception de mineurs migrants dans le respect des droits fondamentaux de l’enfant, ne peut être considéré comme un comportement normalement prudent et diligent de la part de l’État belge. (…) Les éléments soumis au tribunal ne permettent pas non plus de considérer qu’à l’heure actuelle, l’État belge a pris les mesures nécessaires pour prévenir un dommage futur à l’intérêt collectif des enfants migrants au respect de leurs droits fondamentaux. »
DEI-Belgique se réjouit de cette décision qui constitue une réelle avancée en matière de droits de l’enfant mais déplore que les autres dysfonctionnements pointés lors des plaidoiries du 1er décembre 2022 (voir « Communiqué de presse - Mawda : l’État belge face à ses responsabilités ») n’aient pas été condamnés de la même manière. Le Tribunal fait une interprétation très restrictive du droit d’action des associations (pourtant acquis de haute lutte !) ; il écarte la possibilité pour DEI de dénoncer, au nom de l’intérêt collectif, les autres manquement graves, en considérant notamment qu’ils ne représentent pas des « dysfonctionnements ou des manquements structurels », et donc une atteinte collective à un droit, mais des faits accidentels et ponctuels. Le message malheureux que cela fait passer est donc que la mort de Mawda, le traitement inhumain et dégradant subi par ses parents et son frère de quatre ans, l’abandon à leur sort de cinq mineur·e·s étranger·e·s non accompagné·e·s n’étaient que des accidents mineurs, banalisant ainsi ces faits extrêmement graves.
Pour rappel, petite Mawda, alors âgée de 2 ans, était décédée dans la nuit du 16 au 17 mai 2018 suite au tir d’un policier lors d’une opération de police incluant la poursuite d’une camionnette transportant une vingtaine de migrant·e·s. Si l’auteur du tir et les responsables du trafic, le conducteur et le convoyeur avaient été condamnés par la justice, de nombreux autres manquements graves restaient totalement impunis et l’État semblait vouloir masquer ses propres responsabilités derrière celles de l’auteur du tir ou des autres protagonistes… C’est pourquoi DEI-Belgique avait décidé d’assigner l’État belge pour que tous ces autres manquements fassent l’objet d’un examen attentif et détaillé au regard des droits de l’enfant (relire communiqué de presse « Communiqué de presse - Mawda : l’État belge face à ses responsabilités »).
Contact presse: Benoit Van Keirsbilck, directeur de Défense des Enfants International (DEI) Belgique est disponible pour toute information complémentaire ou interview au 0497/42.07.77, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..