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Lettre ouverte à l’attention de l’Administrateur général de la RTBF

 


Concerne : traitement par le média public de la problématique de la violence dite educative ordinaire (incluant les châtiments corporels)

 


Copie : Service de médiation de la RTBF, au Rédacteur en chef de Viva-Cite et au Rédacteur en chef de Sud-Presse

 

Monsieur l’Administrateur général,


Le 16 mars dernier, l’émission C'est vous qui le dites de VivaCite publie sur sa page Facebook un des sujets qui sera débattu ce jour-là, au départ d’une information venant de Sudpresse (article de Françoise de Halleux) publiée le matin même.


Une députée sp.a veut faire interdire la fessée aux enfants en Belgique. Elle estime que la violence n’a aucune vertu pédagogique, que si cela se passe systématiquement, l’enfant recevra le message qu’on règle les problèmes par la violence, c’est ce qu’elle dit ce matin dans les éditions de Sudpresse. Elle refuse d’accepter la petite claque de temps en temps et dépose une proposition de loi pour que les mentalités changent dans le pays. La fessée, elle apprend quelque chose ? Source : Sudpresse


S’ensuivit le débat lors de l’émission avec l’animateur (Cyril Detaeye), un autre animateur, une journaliste de Sud Presse et une auditrice. Le débat se déroule également sur Facebook avec plus de 2300 commentaires.

 

Après l’écoute de l’émission et la lecture du débat qui a eu lieu sur les réseaux sociaux, nous ne pouvons être que consterné·es. Le sujet évoqué est une problématique sociale sérieuse et extrêmement préoccupante (on l’a encore vu pendant toute la période de confinement durant laquelle les plaintes en matière de violence familiale ont considérablement augmenté).  En le traitant sur le même pied que la polémique sur la pêche dans l’émission de télé-réalité Koh-Lanta, l’éventuelle nouvelle BD de Tintin ou la démarche de la ville de Spa de faire pousser des fleurs entre les pavés des trottoirs, on assiste à une banalisation de cette question, ce qui ne nous paraît pas cadrer avec la mission de service public de la RTBF. Des informations factuellement inexactes ont été diffusées (voir ci-après) et le sujet a été globalement traité très superficiellement avec pour effet (était-ce le but ?) de cliver les auditeurs, ce qui a manifestement eu lieu si on se réfère aux commentaires sous le post de l’émission qui ont débouché sur un déchaînement incroyable, une libération de la parole sans cadrage ou mise en contexte.

Très clairement, sur un sujet aussi sensible, nous aurions attendu autre chose de la RTBF dans sa mission d’information, d’éducation permanente, de qualité des ses missions.


Nous tenons a mettre en exergue certains éléments en particulier :


1. L’actualité qui a été choisie comme sujet de débat a été présentée incorrectement : il s’agit d’une proposition de loi qui concerne une modification du Code civil. Or, c’est le Code pénal qui a été mentionné à plusieurs reprises (notamment par la journaliste) sans aucune correction de la part de l’animateur. La nuance est de taille ; elle s’apparente à de la désinformation. L’objectif de la loi n’est pas de punir les parents mais de rappeler un interdit et de les sensibiliser, soutenir et informer sur les autres manières possibles de réagir. S’informer sur le contenu de cette proposition pour la présenter de façon correcte à la population aurait dû être un prérequis.


2. La formulation du sujet du débat - La fessée, elle apprend quelque chose ? - n’a eu d’autre effet que de cristalliser d’emblée, et à tort car de façon très réductrice, la discussion sur la « fessée ». L’enjeu de la proposition de loi s’avère certainement plus large – elle ne mentionne d’ailleurs pas ce terme. De plus, la fessée n’apprend rien, c’est une donnée scientifiquement acquise maintenant. Il y aurait eu de nombreuses autres approches beaucoup plus constructives et nous ne pouvons que regretter amèrement le choix éditorial de cette émission.


3. Mentionner que la députée qui a déposé la proposition « estime » que la violence n’a aucune vertu pédagogique réduit la véracité de ses propos. Elle transmet pourtant des connaissances scientifiques avérées, et ce, depuis de nombreuses années.


4. Comme mentionné supra, il eut été pertinent d’inviter autour de la table des intervenant.es qui ont une réelle expertise sur le sujet et auraient pu apporter les ressources pertinentes pour nourrir ce débat au lieu de ne faire que reproduire des lieux communs. De tels experts sont nombreux en Belgique.


Au regard de ce qui précède, nous pensons que vous ne pouvez pas en rester-là sur ce sujet et qu’il s’agit de faire œuvre d’information et de revenir sur cette question sociale dans un contexte qui permettra de véritablement poursuivre votre objectif.

 

Défense des Enfants International – Belgique plaide depuis de nombreuses années pour l’adoption d’une législation interdisant formellement l’usage de la violence dite éducative ordinaire, comme nous l’impose les normes internationales et aussi bien les Nations Unies que le Conseil de l’Europe. Nous avons mené en mars 2020, avec l’institut Dedicated et en partenariat avec le DGDE (Délégué Général
aux Droits de l’Enfant) et l’OEJAJ (Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse) un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la population belge afin de saisir les opinions et comportements des Belges quant à cette thématique. Les résultats sont à la fois consternants (une proportion importante de la population reconnaît faire usage de violence dans l’éducation des enfants) mais également encourageants. En effet, 75% des répondant·es se sont montré·es favorables à l’adoption d’une loi (d’ordre éducative plutôt que punitive) interdisant clairement l’utilisation de la violence envers les enfants, pour envoyer un message clair à la population.

Il va de soi que nous nous tenons à votre meilleure disposition pour vous fournir toutes les informations utiles pour aborder cette thématique en connaissance de cause. Nous vous joignons à la présente quelques informations utiles.


Nous attirons aussi votre attention sur le fait que le 30 avril prochain, c’est la journée mondiale de la non-violence éducative. Peut-être serait-ce un bon « prétexte » pour revenir sur la problématique à cette occasion symbolique ?


Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments distingués.

 


Benoit Van Keirsbilck,
Directeur 

Clémentine Léonard, Chargée de Plaidoyer

 

 

 

 

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